jeudi 5 mars 2015

La garance

La garance est une plante de la famille des rubiacées (on trouve aussi dans cette famille le café, le quinquina, l'ipéca). La teinture est extraite de la racine formée de rhizomes épais et la matière colorante est nommée alizarine. La découverte du colorant artificiel en 1869 provoquera la ruine de la culture de la garance.

 
La garance Wikipedia


L'histoire de cette plante connue déjà des Grecs, est intimement liée à celle du Vaucluse. On retrouve la trace de son utilisation à Perthuis au XVIème siècle, mais c'est au XVIIIème siècle que la culture est introduite  grâce à Jean Althen 

Jean Alten (de son vrai nom Althounian)  est né en Arménie (entre 1709 et 1712). Fils d'un gouverneur de province de Perse, sa famille ayant été proscrite, il fut vendu comme esclave. Il parvient à s'évader et se réfugie à Marseille où il arrive en 1736. Fort de ses expériences acquises il tente d'introduire de nouvelles techniques pour l'industrie du coton dans le sud ouest (à Castres et Montpellier), en vain.



Sculpture de Louis Ball en hommage à Jean Alten - Avignon - Jardin des Doms - voir ICI
 
Il vient alors s'installer à Avignon où il sème des graines de garance vers 1760. Il obtient le privilège de la culture de cette plante des consuls d'Avignon, et le marquis de Caumont lui cède une partie de ses terres. Il fonde une société avec Clauseau et fournit les frères Wetter, indienneurs à Orange, en garance sèche . Malgré cela, il meurt dans la misère en 1774, alors que la garance deviendra une des activités les plus florissantes du Vaucluse. Il laissera son nom à la commune d'Althen des Paluds.

Le Vaucluse devient alors le principal producteur de garance (la moitié de la production mondiale). La culture est difficile, elle nécessite des sols humides et des sillons profonds. Elle se pratique dans de petites exploitations familiales. Les semailles sont assurées par le fermier et ses enfants. La garance est ramassée en fin d'été et à l'automne. L'arrachage est difficile à cause des racines enchevêtrées, il nécessite de faire appel à une main-d’œuvre venue des régions environnantes (Alpes, Cévennes, Drôme, Ardèche,Gard), les garançaïres. La fourcassa qui sert à creuser les sillons pèse dans les quatorze kilos et doit être maniée par deux hommes. Les racines sont ramassées ensuite par les femmes et les enfants. Elles sont mises à sécher au soleil avant d'être écrasées par une meule, puis tamisées, dans les usines à garance. Entreposée dans de grands tonneaux, la garance se bonifie avec les années, grâce à l'action de bactéries (deux ou trois ans).

Les usines à garance se multiplient en Vaucluse. En 1801 Avignon compte 3 usines, le Vaucluse en dénombre 15 en 1806, 70 en 1840 et elles fournissent l'industrie lyonnaise, les indienneurs de Rouen, mais aussi toute l'Europe.


En 1860 Jean Henri Fabre dépose plusieurs brevets concernant la production de garancine, colorant épuré et donc concentré (ici).
L'histoire de la garance est aussi, plus tristement, liée à l'histoire de la première guerre mondiale dont le 100ème anniversaire a été célébré en 2014, avec le fameux pantalon rouge garance : 

Uniforme de soldat français de la Première Guerre mondiale en 1914 avec un « pantalon garance » Wikipedia



NB, un excellent téléfilm a été consacré à l'histoire de ce soldat fusillé pour n'avoir pas voulu porter le pantalon d'un mort. "Le pantalon" France 2 ICI

Avec le retour de l'utilisation des pigments naturels que ce soit en peinture ou en teinture, la culture de la garance a repris, notamment dans le Poitou. On peut se procurer le pigment auprès du Conservatoire des ocres de Roussilon.





2 commentaires:

  1. De même pour la culture du pastel qui s'est éteinte a l’époque a cause de l'importation de l'indigo d'Inde... (couleur pastel des uniformes napoléoniens...)

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  2. Je dois transférer mon article sur le pastel, une plante et une couleur que j'ai découvertes grâce à l'enluminure et au jardin des plantes de Lauris.

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